Cet article a d’abord été publié en anglais sur le site Web Future of Good.
Depuis des décennies, les travailleurs.euses des organismes à but non lucratif (OBNL) portent le poids des grands défis qu’affrontent nos communautés. Cela dit, même les personnes les plus dévouées ne peuvent à elles seules supporter un tel poids.
« Nos employé.e.s ont en commun leur souci profond de la communauté, de notre pays et du monde. C’est entre autres ce qui les attire dans notre secteur », explique Bruce MacDonald, président-directeur général d’Imagine Canada.
Or, plus d’un quart des employé.e.s d’OBNL disent se sentir épuisé.e.s souvent ou presque tout le temps, selon de nouvelles données publiées par Future of Good dans sa première enquête Changemaker Wellbeing Index.
« Je pense que ces chiffres reflètent la réalité du travail dans un secteur à ressources limitées. Il y a ce conflit avec la volonté d’améliorer les conditions dans la collectivité », ajoute M. MacDonald.
Selon lui, la pandémie de COVID‑19 a marqué un point de bascule en ce qui concerne la demande dans le secteur.
« Nous pensions que la situation allait se calmer (après la pandémie), mais s’en est suivi une période d’inflation prolongée, puis cette hausse persistante des coûts de la vie quotidienne, notamment pour la nourriture et le logement. Et là, on risque d’entrer en récession. »
MacDonald parle du pire des scénarios où la hausse de la demande rencontre des revenus à la baisse, créant une énorme pression sur les organismes.
Malgré cette pression, les équipes savent qu’elles font un travail important.
Ainsi, une écrasante majorité de 93 pour cent des personnes sondées pensent que leur travail fait une différence significative dans leur communauté, au moins parfois.
« Que ce soit les arts, la culture, la santé mentale, l’environnement ou n’importe quel autre sous-secteur, nos travailleurs.euses partagent ce même grand souci de leur communauté », affirme M. MacDonald.
Il explique que le secteur des OBNL emploie quelque 2,4 millions de personnes et joue un rôle important pour le tissu social de notre pays.
Si les Canadiens et Canadiennes veulent des communautés fortes, il faut permettre à ces travailleurs.euses de rester fort.e.s. Il faut mettre leur bien-être au cœur de la conversation.
Selon l’Indice, la rétention de la main-d’œuvre présente un frein majeur au bien-être des employé.e.s.
Ainsi, 26 pour cent des employé.e.s d’OBNL communautaires disent prévoir de quitter leur emploi dans les six prochains mois.
Le risque de roulement est encore plus prononcé dans les OBNL des arts, de la culture, des loisirs et des services sociaux, où la moitié des employé.e.s disent envisager de quitter ou ne savent pas s’ils.elles vont rester.
Ce chiffre est de cinq pour cent supérieur à celui observé dans les OBNL œuvrant dans les domaines de la santé et de l’éducation.
« Je crois qu’il est vraiment important que les dirigeant.e.s des organismes regardent tous les aspects de ce qu’ils.elles offrent à leurs employé.e.s », dit M. MacDonald. « Cela comprend des pratiques de rémunération équitables et transparentes, des avantages sociaux pertinents et des occasions de perfectionnement professionnel.
Tous les éléments de base qui comptent dans le secteur privé comptent aussi dans notre secteur. »
Car non seulement les travailleurs.euses quittent-ils.elles leur emploi, ils.elles quittent le secteur tout court, ce qui ajoute à la pénurie de personnel ressentie dans toute l’industrie.
L’Indice souligne l’urgent besoin de stabilisation et de stratégies de rétention.
« Nous ne pouvons offrir des voitures de fonction, des actions, des primes ou des dividendes. Alors, comment pouvons-nous nous assurer que ce que nous offrons pour attirer les gens et les convaincre de venir travailler dans le secteur mise sur l’appel de la vocation tout en attirant les personnes les mieux qualifiées », demande M. MacDonald.
En 2021, le salaire moyen des employé.e.s d’OBNL communautaires s’élevait à 43 000 $, soit 32 pour cent de moins que le salaire moyen national.
Les banques alimentaires sont devenues indispensables pour venir en aide à la population canadienne. Aujourd’hui, certain.e.s de leurs propres employé.e.s doivent faire appel aux services qu’ils.elles contribuent à fournir. Il s’agit d’un exemple frappant des difficultés financières grandissantes observées dans le secteur.
Selon les données, 34 pour cent des employé.e.s d’OBNL communautaires vivent de l’insécurité alimentaire.
Ce taux atteint 44 pour cent parmi les jeunes employé.e.s âgé.e.s de 18 à 29 ans. Ce constat montre une évolution inquiétante pour la relève dans le secteur.
« Si cette iniquité atteint un niveau tel que les personnes travaillant dans le secteur ne peuvent plus se payer de la nourriture, un loyer, etc., nous pourrions atteindre un point de bascule », constate M. MacDonald.
« Les gens nous disent que même s’ils ont la vocation et souhaitent faire un travail réellement utile, ils doivent aussi tenir compte de certaines réalités économiques. »
Selon Banques alimentaires Canada, le nombre de visites dans les banques alimentaires au pays a augmenté de 90 pour cent depuis cinq ans.
Plus tôt cette année, plus de 1 100 travailleurs.euses d’OBNL ont répondu à un sondage réalisé en partenariat avec Common Good Strategies et Environics Research.
« Jamais personne n’a tenté une enquête par panel comme celle-ci au Canada », souligne Steve Ayer, président de Common Good Strategies et chercheur responsable du Changemaker Wellbeing Index.
Il explique qu’habituellement, ces sondages s’intéressent à un seul organisme et à ses membres. Pour sa part, Future of Good a étendu sa collecte de données à un vaste éventail de sous-secteurs consacrés au bien commun.
La collecte de données auprès de différents milieux d’OBNL permet de dégager des tendances pansectorielles et de dresser un portrait plus nuancé des différentes réalités.
L’objectif de cette démarche consiste à trouver des solutions plus ciblées et efficaces.
« On s’attarde beaucoup aux résultats les moins reluisants, mais je pense qu’en regardant du côté positif, nous pouvons réfléchir à des façons d’aider plus de gens à atteindre un degré de satisfaction plus élevé », conclut M. Ayer.
Selon lui, l’enquête prendra un rythme annuel afin d’offrir une image exhaustive de l’état de bien-être dans le secteur du bien commun, et de permettre des comparaisons au fil du temps.
Cliquez ici pour découvrir tous les résultats du 2025 Changemaker Wellbeing Index.